Premier texte de l’année. J’en profite pour vous en souhaiter une bien bonne. Il serait temps, me direz-vous. Certes, certes, mais moi, janvier me pousse à hiberner, j’ai dû faire marmotte dans une vie antérieure. Dans mon cocon, entre clavier et canapé, j’espère le printemps. Scribouillis, netflix, déca et chocolat, je m’autoconfine. J’attends que les jours rallongent suffisamment pour me donner envie de sortir. Les rumeurs du monde me parviennent amorties, ouatées. J’ai besoin de ce genre de pause.
En ce moment, la palme de la hargne à front de buffle revient à la shitstorm, en français tempête de merde, que les activistes trans ont déchaînée contre les féministes.
Avant toute autre considération, je cite Marie Victoire Louis, qui synthétise avec sa clarté habituelle ce que je pense : « Concernant les personnes qui ont, à la naissance, un sexe physiologique ambigu ; dont l’identité, le vécu, le ressenti ne coïncide pas avec les rôles, les fonctions historiquement attribuées aux hommes et aux femmes ; qui veulent changer de sexe physiologique en recourant à la chirurgie…les questions de leur malaise, leur ambivalence, de leur mal être, de leurs revendications sont posées et doivent trouver des solutions. Mais ce qui n’est pas acceptable - et, bien entendu, erroné - c’est que ces personnes - dans certains textes, seules, significativement, identifiées au genre - deviennent le pivot théorique sur le fondement duquel tous les rapports sexuels - et donc tous les rapports politiques - sont repensés et refondés ».
C’est clair.
Si les lignes qui suivent se réfèrent à des notions qui ne vous sont pas familières, je vous invite à consulter le chapitre (p.142 à 163) que je consacre à la question dans mon dernier livre « Les vrais hommes sont féministes », (EHO). Autopromo? Je vais me gêner!
Le sujet est d’autant plus difficile à aborder que les mots pour le faire sont ambigus. On marche sur des œufs. On ne sait jamais de quoi on parle au juste. Que veut dire exactement « être une femme » ? « changer de sexe » ? « transitionner » ? « identité de genre » ? Les lobbies transactivistes suivent des raisonnements qui leur sont propres. Posent le principe qu’une femme trans est une femme comme les autres. En déduisent qu'employer le mot « femme » pour désigner ce qui concerne les femmes de naissance serait une forme d’exclusion des femmes trans. Donc, il convient d’utiliser pour les femmes de naissance des formules telles que personne qui accouche, personne qui allaite, personne qui menstrue, personnes à vulve, personnes à utérus, personnes à clitoris, etc… CQFD. Ça faisait presque sourire jusqu’à ce qu’une antenne du Planning Familial imprime « personnes qui avortent » dans une de ses brochures sur l’IVG.
Ils s'attaquent en particulier aux féministes. Ils leur ont inventé une insulte spécifique: TERF (féministes radicales excluant les trans). Et une accusation qui tombe comme un couperet : transphobe. De quoi rhabiller pour l'hiver quiconque n’adopte pas leur terminologie et leur idéologie.
Une fois la proie nommément désignée, ils frappent comme un essaim de frelons. Harcèlent sans répit. Bourdonnent et piquent. Insultes, menaces de viol, menaces de mort, agressions dans des manifs ou à domicile… Cibles les plus récentes : les filles de Féminicides Par Compagnon Ou Ex, féministes bénévoles. Dora Moutot et Marguerite Stern à qui ce harcèlement a valu burn-out et hospitalisation. Des féministes radicales novatrices, créatives. Qui n'expriment d'hostilité que contre des idées, jamais contre des personnes.
Mini-embrouilles entre groupuscules ? Tempêtes dans un verre d’eau ? Ne croyez pas ça. Le lobbying trans va loin et haut. Au Canada, en Espagne, il a réussi à imposer aux Parlements des lois d’autodétermination de genre et d’autres pays sont sur la même voie. Il suffit de se « déclarer » pour « être ». L’administratif se substitue au biologique. C’est la fin des espaces spécifiques qui mettent les femmes à l’abri de l’agressivité machiste : vestiaires, toilettes, sanitaires, refuges, prisons… A terme, que deviennent les droits des femmes si être une femme est purement déclaratif? Les conséquences sont vertigineuses.
Un tel niveau d’influence suppose une force de frappe stupéfiante.
Mais d’où vient cette surpuissance des lobbies trans ? Comment expliquer la rapidité avec laquelle ils ont infiltré les institutions ? De quels leviers disposent-ils ? Qui les finance ? Et pourquoi ? Quels intérêts défendent-ils exactement ?
Dans les polars, la première question que se posent les enquêteurs est : à qui profite le crime ? Qui cela arrange-t-il d’affaiblir les forces vives du féminisme ?
Il y a quelque chose de disproportionné entre la violence déclenchée sur les réseaux sociaux et le nombre très limité de personnes directement concernées, à savoir les trans. Des intérêts plus puissants sont forcément en jeu.
J’avance une hypothèse.
La question s’éclaire quand on constate que l’accusation jumelle à « transphobe » est « putophobe ». Ce néologisme vise les abolitionnistes de la prostitution. Les intérêts proxénètes sont riches et puissants. Les lobbies qui les défendent agissent parfois au grand jour, mais le plus souvent dans les coulisses, avec masques et faux nez.
Les féministes abolitionnistes sont la bête noire des proxos, qui ont horreur qu’on s’intéresse à leur indéfendable business. En intégrant les trans dans leur discours, les lobbies proxénètes tentent de se donner une légitimité militante précieuse quand on sévit plutôt dans le monde des mafias que dans celui des activistes bénévoles.
Je ne crois pas un instant à l’hostilité des trans envers les féministes. Derrière les gesticulations des transactivistes se cache peut-être simplement la très classique volonté de contrôler et d’exploiter les femmes. On en a vu d'autres. Insultes, menaces, agressions, marginalisation, ont toujours fait partie de l'expérience de vie des féministes. Ça ne les a pas découragées. On brûle toujours les sorcières, c’est juste le carburant qui a changé.
Un jour, les outrances transactivistes, le ridicule de leur discours susciteront l’incrédulité. Un jour, on en rira comme on rit aujourd’hui de Trissotin ou du Docteur Knock. Mais pour l’instant, ça n’a rien de drôle. Et je me sens d’exprimer ici ma solidarité pleine et entière à Marguerite Stern, à Dora Moutot, aux filles de Féminicides par Compagnons ou Ex. et à toutes celles qui exercent leur autonomie de pensée et ont le courage de l’exprimer.
Espace commentaire
vareuse - Le 28/01/2022 à 07:11
Merci, votre voix est précieuse. Mon hypothèse est assez proche de la votre : la situation pourrait tout à fait s'expliquer par des pressions, de la part de financiers du milieu médical, pharmaceutique ou proxénète, dans le but de rendre acceptable la marchandisation généralisée du corps humain : le capital cherche de nouvelles parts de marché, et pour l'instant le corps humain lui échappe. La chirurgie esthétique avait déjà doucement mis les choses en place. Avec les mouvements pro-GPA, pro-prostitution et transidentitaires, le mouvement de ce lobby prend de l'ampleur : dans tous ces cas, le corps humain, souvent celui des femmes, est réduit à un objet, qu'on peut vendre, louer, ou tailler comme si c'était une matière morte. Un objet comme un autre. Les femmes, en tant que classe dominée, en font les frais, les premières. Les jeunes filles. 13 ans, en moyenne, pour celles qui sont jetées en pâture aux violeurs-payeurs. Les personnes en souffrance psychiques, aussi, les trans, qui espèrent pouvoir composer avec la dureté du système patriarcal en se changeant eux-mêmes. En vain, mais visiblement c'est trop dur à entendre. Les plus faibles trinqueront d'abord, comme d'habitude.
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