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Anne et les sardines

C’est un livre. Il est petit, beau et doux au toucher. Il coûte trois fois rien : dix euros. Et pourtant il va vous tenir chaud au cœur jusqu’à la fin de l’hiver. Le titre ?  « Une belle grève de femmes »,  publié par Libertalia, petite maison qui n’en fait qu’à sa tête et qui le fait très bien. Qui l’a écrit ? Anne Crignon. Si je vous dis qu’elle est journaliste, je ne vous aurai dit qu’une toute petite partie de ce qu’elle est. Si nous étions scouts  (ce que nous ne sommes pas), son totem pourrait être Gazelle Flamboyante, sa chevelure est repérable à l’autre bout de la manif, quand promenant son regard acéré sur les soubresauts de l’époque elle concocte un de ses papiers.

C’est l’histoire d’une victoire. Celle des ouvrières de la conserverie de sardines de Douarnenez. En 1924, des conditions de travail à la Germinal, en vrai, poussent les filles d’usine à se mettre en grève. Elles ne cèderont à aucune pression. Après six semaines, victorieuses, elles reprendront le travail la tête haute.  

Anne Crignon décrit, et écrit. 

Elle est journaliste. Elle décrit avec précision les faits, les dates, les chiffres, les détails des corvées. 

Elle est aussi écrivaine. Elle donne vie aux personnages, aux paysages, si bien qu’à la lire nous sommes avec nos aïeules de lutte, dans l’action, dans l’énergie, dans l’enthousiasme. Et aussi dans la peur, l’angoisse. Et dans l’euphorie de la victoire. Dans l’émotion de chaque instant. Avec elles, soudain si vivantes. 

A l’heure où nos gouvernants déclinent avec délectation toute une imagerie guerrière jusque dans les nurseries (« réarmement démographique », au secours !) où les tueries les plus dégueulasses ravagent des civils, où les néolibéraux adorent affirmer que le mouvement ouvrier est mort, lire Anne Crignon, c’est se ressourcer à l’aune du courage ouvrier, c’est savoir d’où nous venons et nous légitimer dans les combats à venir.

T’as pas dix balles ? 

Merci Anne.