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Bonnets rose et casquette rouge
Samedi 21 janvier 2017, une marée de bonnets roses, de
pussy hats, déferle sur Washington et beaucoup d'autres villes, aux USA et ailleurs. Celles là même dont Trump prétend qu'il faut les choper par la chatte refusent de se laisser insulter, chosifier, subordonner. Refusent que l'histoire reparte dans l'autre sens alors même qu'il reste tant à faire. Descendent dans la rue et veillent au grain. Insoumises, insolentes.
Dimanche 22 janvier, Paris, (petite) manif bien rance des défenseurs de ces sites internet délibérément manipulateurs qui se présentent comme informatifs sur l'avortement puis se livrent à une culpabilisation intense des appelantes. Par des mensonges grotesques, on les pousse à mener à terme leur grossesse non désirée puis abandonner l'enfant pour adoption. Ces femmes cherchaient juste de l'info. Méthode bien dégueulasse, cible aujourd'hui d'une loi pour l'interdire. Que les plus élémentaires des droits des femmes soient insupportables à ces gens reste un mystère pour moi, mais c'est comme ça.
Mais il n'y a pas que les troupeaux des Manif pour tous, après tout ils sont cohérents dans leur réac attitude. Il y a plus accablant. Ça se passe à l'Académie des Arts et du Cinéma. En milieu artistique, donc. Un monde de création, de liberté, d'audace, de modernité, tout ça.... En tout cas c'est ainsi qu'il aime se définir. Ça se passe en année d'élections présidentielles, dans un contexte politique mondial de montée des pires dangers.
Pour 2017, l'Académie des Arts et du Cinéma choisit Roman Polanski comme président de la cérémonie des Césars. Polanski a du talent. Polanski croule sous les honneurs. Polanski vit en liberté, libre d'aller et venir, libre de créer, libre de vivre à sa guise. Libre de faire des films dont il faudrait être d'une singulière mauvaise foi pour contester la qualité. C'est un fait. Polanski est aussi un violeur. A 43 ans, il a drogué et violé une fille de 13ans. C'est un fait aussi. (cf mon
article de 2009 à ce sujet)
Qu'à l'heure qu'il est on foute la paix au cinéaste polonais, admettons. Mais qu'on lui rende hommage dépasse sa personne. Ce n'est pas de lui qu'il s'agit. Il s'agit de ceux qui l'ont nommé. Soit ils ne voient pas le problème, soit ils le voient parfaitement et s'en foutent. Soit crétins, soit cyniques. Soit les deux.
La culture du viol, c'est ça. C'est faire comme si ça n'existait pas. C'est ignorer délibérément que des centaines de milliers de viols et d'agressions sont perpétrés en permanence. C'est ne pas en tenir compte au moment des gestes symboliques. C'est envoyer un signal: le viol serait étanche, déconnecté de la vie. De la politique. De l'art. Des symboles. Des choix de représentation. Une histoire de gonzesses qui ne concerne que les gonzesses. Le viol est une réalité pour ses victimes, pas pour ses auteurs. Les violeurs se considèrent rarement comme tels. Voire jamais. Pour eux, il n'y a pas viol. Puisque, comme disait Coluche, le viol c'est quand on veut pas, et eux, ils voulaient.
La vitrine du cinéma français dans le monde aurait pu s'en tenir à ça, à l'ignorance. À l'indifférence. Au silence. On ne leur demandait rien, d'ailleurs, aux distributeurs de hochets. Pourquoi leur a t-il fallu en rajouter ? Y aller d'une petite touche de marquage de territoire ?
L'Académie est très majoritairement masculine. Nous côtoyons des violeurs tous les jours, sans le savoir. Ce n'est pas écrit sur leur figure. Parmi les hommes de pouvoir, quel que soit le pouvoir, il y en a aussi. Nous ne savons pas qui. Parfois nous le savons et ça ne change rien. Les uns et les autres se cooptent, se soutiennent. Ils sont aux manettes et font tout pour y rester. Ils honorent un violeur au prétexte que le violeur a du talent, le talent gommant le crime. Les quelques femmes qu'ils admettent à leurs côtés détournent le regard.
L'évènement n'est-il pas minuscule, comparé à l'énormité de Trump en patron de la planète ? Bonne question.
Il y a 2 500 000 boulons sur la Tour Eiffel. Sans eux, elle s'écroule. On peut en enlever un. Même dix, peut être cent. Mais si on les enlève tous, la tour s'écroule. C'est parce qu'ils sont très nombreux que la Tour maintient son érection. Polanski Président des Césars n'est qu'un rivet parmi beaucoup d'autres. Qu'on ne me dise pas que ça n'a pas d'importance. L'Académie des Arts et du Cinéma, les "conversations de vestiaire masculin", l'accumulation de millions d'autres gestes de toute taille et de toute nature, maintiennent l'ordre patriarcal. Font la courte échelle à Trump Posé tout en haut, l'homme à la casquette rouge triomphe et nous nargue.
Il va falloir le déboulonner, lui et ses semblables. Tricoter beaucoup de bonnets rose.
iA
Espace commentaire
Ochoa Gisèle - Le 24/01/2017 à 14:18
Je partage ces points de vue,Isabelle. Et les diffuse aux ami(e)s ! Je me permets de prendre de ton énergie avant de retourner dans le Sud !
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Julie - Le 24/01/2017 à 01:26
Si on commence à juger un homme sur ce qu'il dit pendant ses discussions entre amis sur l'air de la plaisanterie...de tout homme on peut faire un raciste, un islamophobe, un misogyne. C'est d'une mauvaise foi déconcertante. Du même niveau que ceux qui ont exploité et sur-exploité l'expression de "sans-dent" d'Hollande. Qu'il soit incompétent c'est une chose, mais de là à prétendre qu'il hait et méprise les pauvres... Concernant Polanski je peux être d'accord, surtout qu'il y avait sans doute de nombreux autres cinéastes talentueux à mettre en avant, Polanski ayant déjà eu son lot d'honneur. Ce serait bien par contre de présenter chaque homme comme un violeur potentiel, voire un violeur probable.
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Suzanne Beaulne - Le 01/02/2017 à 12:12
C'est la mentalité complotiste qui a élu Trump. Celle des «gens qui ne se doutent de rien», qui ne comprennent les enjeux de son élection. Ils le voient comme leur «gros papa qui est le plus fort» qui va leur donner un job. Ce sont pour la plupart, des hommes infantiles qui veulent avoir raison à tous prix et qui vont se trouver gros-jean-comme-devant car Trump ne comprend rien aux ressorts de la politique et de l'économie. Mépris pour les petites gens que de penser ainsi? Ces petites gens sont en fait de gros machos qui se croient très malins, sont arrogants et très MÉPRISANTS des femmes, des étrangers, des intellectuels de valeur. Les supporters de Trump ne doutent de rien et surtout pas qu'ils ont le droit d'élire un dictateur. À leur image.
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sporenda - Le 27/01/2017 à 07:56
Il suffit d'allumer sa télévision, pour constater que Trump signe TOUS LES JOURS des décrets qui procèdent au démantèlement général des acquis démocratiques. Autre point essentiel de leur stratégie: systématiquement remplacer les faits objectifs par la production massive de leur usine à propagande. Exemple: l'affirmation que Trump aurait été élu de façon 100% démocratique: le vote démocratique, c'est quand celui qui a le plus de voix l'emporte. Avec près de 3 millions de voix de plus que Trump, c'est Hillary Clinton qui a été remporté le vote démocratique. Le vote démocratique implique également l'absence de fraude électorale: vu les tripotages électoraux Républicains, on en est loin: gerrymandering/découpage des circonscriptions, 7 millions de minorités purgées par eux des listes électorales, sans oublier la CIA avec Comey qui balance des fake news sur Clinton juste avant l'élection et les hackers russes qui s'en mêlent. Quelques cours de sciences politiques vous seraient nécessaires pour rafraîchir vos notions sur les conditions sine qua non de l'existence d'un système démocratique.
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Julie - Le 27/01/2017 à 13:36
Plus haut vous parlez des Etats-Unis comme étant une "démocratie vénérable de plus de 250 ans", et ensuite vous affirmez que l'élection de Trump n'est pas démocratique parce qu'il a obtenu moins de voix qu'Hillary Clinton. C'est une contradiction assez énorme sachant que dans les deux cas vous parlez exactement du même système d'élection. CQFD Les Etats Unis ont choisi un système d'élection passant dans chaque état par les grands électeurs, le vainqueur démocratique de l'élection américaine n'est donc pas celui qui a le plus d'électeurs, mais celui qui a le plus de grands électeurs, et c'est le cas de Trump dont l'élection est bien démocratique. (D'ailleurs si Hillary Clinton avait gagné en obtenant moins d'électeurs, c'est exactement ce que vous auriez soutenu). En plus des cours de Sciences politiques concernant la diversité des systèmes démocratiques, un peu de cohérence s'impose car en parlant d'une "démocratie vénérable", vous appelez démocratie un système (en l'occurrence celui des Etats Unis) dans lequel le vainqueur démocratique est celui qui a le plus de grands électeurs et non d'électeurs, et c'est bien le cas de Trump. Il existe une multitude de systèmes de votes démocratiques, la France en a un, les Etats-Unis en ont un autre. Quand on parle de fraude électorale, vous avancez beaucoup de suppositions et d'hypothèses. La seule fraude électorale qui ait été mise en évidence dans cette élection américaine pour le moment, c'est celle mise en place par les Démocrates pour faire gagner Clinton au détriment de Sanders. Un "oubli" de votre part sans doute. Quelques fake news? Mais il y en a eu de chaque côté comme à chaque élection présidentielle, les démocrates avaient notamment sorti une fausse déclaration de Trump (soi-disant d'une interview à People Magazine en 1998) dans laquelle il insulterait les électeurs des Républicains. Une déclaration inventée de toutes pièces qui avait fait le tour des réseaux sociaux et avait entamé la popularité de Trump. Que vous soyez en désaccord avec Trump, c'est votre droit le plus strict, contester en revanche que son élection est démocratique dans un système que vous qualifiez précédemment de démocratique et même de vénérable est d'une mauvaise foi rare. Si des gens cotent Trump, c'est aussi par colère et en réaction au fait qu'ils soient méprisés. C'est ce mépris qui ressort de votre commentaire, en plus des contradictions mises en évidence.
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sporenda - Le 25/01/2017 à 09:50
On peut reconnaître ça à Trump: contrairement aux politiciens ordinaires, il tient ses promesses: tous les jours de nouvelles mesures anti-femmes, anti-environnement, anti-minorités, anti-pauvres, anti-protection sociale. L'impensable est arrivé: un coup d'Etat a eu lieu et les Etats-Unis, une démocratie vénérable vieille de 250 ans, est en passe de devenir une dictature.
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Julie - Le 27/01/2017 à 00:41
Tous les jours, vous êtes sûres? Toutes les minutes non? C'est justement démocratiquement que Trump a été élu. C'est amusant à cette propension à mépriser le peuple quand il ne vote pas "comme il faut", c'est à dire comme le voudraient les féministes, les acteurs, les chanteurs, ces gens qui savent quel est le Bien et quel est le Mal. Quelques cours d'Histoire ne seraient pas de trop pour savoir ce qu'est une dictature. Votre commentaire ressemble à un édito de Libération. En moins bien écrit bien sûr.
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Isabelle Alonso - Le 27/01/2017 à 00:50
Mais lisez Libé! C'est si bien écrit! Rien ne vous en empêche! Ne vous infligez pas des lectures qui semblent vous faire souffrir! Il se trouve que je suis très bien placée pour savoir ce qu'est une dictature.
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Julie - Le 27/01/2017 à 13:38
Ce n'est pas à vous que je répondais. Et avoir des racines espagnoles ne donne pas un brevet d'aptitude à désigner le Bien et le Mal. A dire si le peuple vote bien ou pas. A dire que Trump est dictateur fasciste assoiffé de sang et que Clinton est la lumière et potentiellement la plus grande présidente de l'Histoire de l'Humanité et de la galaxie. Encore c'est ce mépris pour le peuple, et pour ce que les gens votent qui amplifient cette défiance du peuple à l'égard des élites.
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Isabelle Alonso - Le 27/01/2017 à 14:50
Avoir des racines espagnoles non. En être à mon deuxième roman, et les recherches que ça suppose me permet au moins de parler en connaissance de cause. Vous avez l'accusation facile. Mépris pour le peuple? Vous avez aussi la catégorisation facile. L'élection de Trump est une catastrophe. C'est mon avis. Aussi légitime que le vôtre.
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Julie - Le 27/01/2017 à 21:49
C'est pourtant bel et bien le mépris du peuple qui fait que, sur tous les plateaux télévisés, dans tous les journaux, sur toutes les radios, on entend à l'unanimité que Trump est bien pire qu'Hitler et que le peuple vote mal. Le même mépris qu'au moment du Brexit, concernant ces vieux qui voteraient n'importe comment, ces gens qui votent pour le Brexit parce qu'ils ne sont pas éduqués, parce qu'ils n'ont pas le niveau d'études suffisant, parce qu'ils ne sont pas cultivés etc... Je trouve intéressant ce phénomène d'une masse médiatique (dont vous faites partie) comprenant les journalistes, les politiques, les "artistes" qui presque unanimement (ce qui interroge n'est ce pas?) se lamentent concernant le Brexit, l'élection de Trump, qui appelleront à "faire barrage à l'extrême droite, au fascisme et à la xénophobie" si Le Pen est au second tour. Tous ces gens qui semblent peu soucieux de la démocratie quand le peuple vote "mal". Vous qui êtes si critique, je suppose que le fait de faire partie de cette unanimité vous interroge et vous interpelle.
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Isabelle Alonso - Le 27/01/2017 à 21:57
Détendez vous, Monsieur. Je ne fais partie de rien, et j'y tiens. Lisez ce que j'écris. Et tirez en des conclusions basées sur autre chose que vos préjugés et votre agressivité.
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