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Chamailleurs !
"...
nous les retrouverons les 1er mai joyeux, chamailleurs parfois, qui font notre nation, nous les retrouverons le 1er mai heureux!" (Emmanuel Macron, allocution au matin du 1er mai 2020).
Ah! Manolo, Manolito, tu permets que je t'appelle Manolito? C'est que ce matin en quelques mots, si bien choisis, tu as fait souffler sur notre vieux pays, un parfum de fraicheur et d'enfance! Que dis-je, quelques mots, il t'a suffi d'un seul ! Et si joyeux, et si sonore, et si mutin, chamailleurs as-tu dit, chamailleurs nos rituels, chamailleurs as-tu dit, et nous avons compris: chamailleurs nous mêmes! Galopins, chenapans, polissons!
Et derechef on s'est senti avoir dix ans, les poches pleines de billes et des canines en moins! Chamailleurs comme pas un ! Un seul mot, et tout revient ! Chamailleurs comme nos grand-papas et nos grand-mamans, qui animaient de si plaisante façon les 1er mai d'autrefois! Il y a longtemps, et même avant, de génération en génération ! Plus de cent ans! Chamailleurs et chamailleries, dans la tradition et la nostalgie ! Ah, les 1er mai chamailleurs, nous les avons tant aimés, sacripants que nous sommes !
On chamaillait déjà, au temps des fabriques, au temps des usines... On s'éclatait tellement qu'on y restait douze heures par jour, on emmenait même les petits, les enfants, ils jouaient avec les wagonnets au fond de la mine, et que je pousse, et que je tire, et que je me traine par terre, et que je jongle avec le charbon, ils ressortaient à la nuit avec des frimousses de carnaval, du noir partout comme des petits clowns, ohlala, ça donnait de la lessive mais qu'est ce qu'ils étaient mignons!
Et de temps en temps, quand on se sentait d'humeur crâneuse, on sortait dans la rue, tous ensemble, c'était la fête, heureuse et joyeuse, tu as raison, Manolito ! On marchait d'un seul pas, on chantait à tue-tête ! On levait le poing, on agitait des étoffes, plus c'était voyant plus ça nous plaisait, allons-y pour du rouge, ouah, ça flashe sa race! Oui, d'accord, c'était pas discret, discret, ça gueulait fort, de débrayages en grèves, de tracts en slogans, de mots d'ordre en revendications, sacrée bande de petits vauriens....
Il arrivait un moment où les maîtres sifflaient la fin de la récré, bien obligés! On envoyait la maréchaussée, ça avait assez duré! Et c'était parti pour une partie de balle au prisonnier, levées de barricades et lancers de pavé d'un côté, charges à cheval et tir à balles réelles de l'autre! Ça chicornait sec en ce temps là, ça chamaillait dur, on savait s'amuser!
Des vrais 1er Mai, purs, fourrés praliné. Chamailleurs en diable. Avec morts à la clé.
À Haymarket Square, États-Unis, en 1886, lors d'une manif pour la journée de huit heures, une provocation montée de toutes pièces par la police aboutit à l'arrestation et au procès de huit anarchistes. Le procureur donne ses instructions au jury, qui compte le frère d'un policier tué : « ...
ces huit hommes ont été choisis parce qu'ils sont des meneurs. Ils ne sont pas plus coupables que les milliers de personnes qui les suivent. Messieurs du jury : condamnez ces hommes, faites d'eux un exemple, faites-les pendre et vous sauverez nos institutions et notre société. C'est vous qui déciderez si nous allons faire ce pas vers l'anarchie, ou non". Les huit furent condamnés à mort. Quatre furent pendus. Des capitaines d'industrie furent invités à assister à l'exécution. Un condamné se suicida, les autres furent grâciés après enquête et des années de prison.
À Fourmies, chez nous, en France, en 1891. La troupe tire dans la foule avec un nouveau fusil trop beau trop moderne, le
Lebel. En 45 secondes, au moins 35 personnes sont blessées. Neuf sont mortes. Allez, puisqu'on en est à l'évocation de nos traditions chamailleuses, nommons les, qu'ils ne s'effacent jamais de nos mémoires :
Maria Blondeau, 18 ans.
Louise Hublet 20 ans.
Ernestine Diot, 17 ans.
Félicie Tonnelier, 16 ans.
Kléber Giloteaux, 19 ans.
Charles Leroy, 20 ans.
Emile Ségaux, 30 ans.
Gustave Pestiaux 14 ans.
Émile Cornaille, 11 ans.
C'est que ça n'avait pas vingt ans et ça voulait des droits! Canaillous!
Vous le saviez, vous, que les jolies clochettes du muguet au parfum délicat, si au lieu de les renifler, on les mange, elles peuvent tuer ?
Un peu comme les mots. Employés à tort et à travers, sans respect et sans scrupules, dans la suffisance et la condescendance, ils salissent les plus tragiques de nos héros, conquérants de nos droits d'aujourd'hui au prix de leur vie.
Chamailleurs magnifiques, je vous salue de l'autre côté du temps.
Tout à l'heure, sur mon balcon, je chanterai l'Inter, tiens. Pour eux. Pour nous tous.
Espace commentaire
Jean-Marc Cuennet - Le 03/05/2020 à 17:40
Chère Isabelle, Cette crise dont je ne sais plus quoi penser tant elle me semble un prétexte pour aliéner nos libertés par des décisions arbitraires venant de nos gouvernants qui se la joue grand vizirs à la place de... et je ne pense pas qu'à la France, cette crise donc nous donne la chance de vous lire ! Votre pertinence ne s'essouffle pas et réanime à chaque texte publié sur votre blog tout le bien et l'estime que je vous porte. Je me régale ! Merci, mille fois ! Jean-Marc
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Isabelle Alonso - Le 03/05/2020 à 17:43
Merci à vous! Mille fois aussi! Vous me donnez de l'élan!
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jeannet - Le 03/05/2020 à 13:26
HASTA LA VICTORIA SIEMPRE!
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Gregorio - Le 03/05/2020 à 10:41
Pardonne le retard à répondre mais quelle hypocrisie !!! Je redoute cet après que beaucoup espèrent plus ‘’ rose’’. ‘Ils’’ nous préparent, comme d’habitude, avec de beaux discours et une fois, les bonnes gens endormies, va q’je te passe tranquillous les lois scélérates. Comme cette dernière sur le déconfinement voté par une assemblée à la botte. Bon, j’ adore ta façon de dire les choses et la lutte n’est pas finie. Cuidate
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Isabelle Alonso - Le 03/05/2020 à 10:43
¡ Gracias, amigo!
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francine sporenda - Le 03/05/2020 à 07:19
L'inconscience de Macron, son mépris pour l'importance historique et la violence des luttes sociales en France, la verticalité de son pouvoir et la façon dont il infantilise les citoyens, tout cela est contenu dans son usage du mot "chamailleur" pour qualifier l'atmosphère traditionnelle de la fête des travailleurs. Toujours ces insupportables "Gaulois réfractaires" rétifs aux diktats de leurs gouvernants qui eux, savent, et qui "surveillent et punissent" pour leur bien. Etre président, ce serait tellement mieux si on pouvait gouverner sans eux...
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Isabelle Alonso - Le 03/05/2020 à 09:22
Inconscience est le mot. Inconscience de classe....
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Angèle - Le 01/05/2020 à 19:33
Chère Isabelle Je chanterai aussi et en plus je mettrai SKa-p et je chanterai à tue tête « a la mierda reaccionarios me la suda todo lo que puedes ladrar siempre amé la libertad « Salut républicain Angèle
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Isabelle Alonso - Le 01/05/2020 à 19:52
¡Arriba parias de la Tierra! ¡En pie famélica legión! Atruena la razón en marcha: es el fin de la opresión... ¡Un abrazo!
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Roseaux Hélène - Le 02/05/2020 à 10:15
Un grand espoir
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SADI ( Sand) - Le 02/05/2020 à 10:24
Toujours aussi génial ! Merci de nous faire profiter de vos écrits. Je suis toujours contente de les trouver sur ma page facbook.
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Isabelle Alonso - Le 02/05/2020 à 11:00
Merci! Ça me fait un bien fou de recevoir ces messages!
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Elisabeth Morel - Le 02/05/2020 à 09:03
Bravo, tu aurais pu ajouter la manif de l'an dernier où les petites canailles de flics ont nassė et gazé les manifestants du premier Mai....
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Isabelle Alonso - Le 02/05/2020 à 10:09
Absolument. Mais je voulais parler de cette tradition de lutte qui a été dure, très dure, semée de morts et que Macron, qui n'y connait rien parce qu'il s'en fout, (le mouvement ouvrier l'intéresse moins que sa première liquette), se permet de mentionner avec cette condescendance qui n'est que la marque de son mépris de classe. J'ai pris une perspective historique, nous avons notre histoire et nous avons nos héros. J'ai aussi traité de la question de la violence et de la répression dans mon blog, il y a longtemps, en décembre 18: Violences? et en février 19: Éborgner la populace. Merci pour ce message et bonne lecture!
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Bruno - Le 01/05/2020 à 21:01
Merci pour ce texte qui remet les pendules à l'heure.
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Isabelle Alonso - Le 01/05/2020 à 21:28
Merci!
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