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"Femmes et hommes de la texture"
"C'est la fin des vacanceux / On a rangé les pédalos / Notre amour euh d'enfanceux / N'était qu'un coup d'épée dans l'ôôôôô...."
Ces admirables rimes riches chantées jadis par Coluche résonnent à mon oreille après ces quelques jours de retour à la normale, ou à l'anormale, ça revient au même. Après presque deux mois de déconnection, je retrouve Twitter, et ses amicales injonctions, dont voici un florilège:
- on ne les entends pas bcp les "féministes" pour arrêter le retour en arrière de la condition féminine !!!
- exact.Une fameuse chienne de garde @IsAlonsOfficiel:elle a limé ses crocs.Par peur?
- J'ai parcouru le twitter d'Isabelle Alonso @IsAlonsOfficiel une chienne de garde qui fut autrefois mordante,rien contre le voile ou burkini.
- on ne vous entend pas beaucoup concernant le burkini ! C est étrange ! Bisous !
- toujours la gueules ouvertes pour des broutilles mais quand il y a des vrais combats... Silence
- Soral avait predit que t'aurais une carriere de merde mdr
Y a du lard et du cochon, comme on dit... Eussé-je été connectée et donc informée, je n'en aurais peut être pas dit davantage sur le burkini, tant il m'apparait comme un pauvre épisode de plus dans l'interminable concours de bite que déroule en permanence le patriarcat dont certain-e-s considèrent qu'il est mort mais qui swingue encore vivement. Même si, à ce qu'il paraît, c'est une mercenaire de sexe féminin qui a conçu le machin, la substantifique moelle de l'affaire se réduit à un schéma classique. Ah tu voiles tes gonzesses, la rue ne te suffit plus, il te faut la plage ? dit l'élu aux intégristes, et ben moi je les dévoile, et par CRS interposé, car je dispose de la force publique à mon gré! Na! On va voir kicé le plus burné, le plus borné, on va voir kicéki gagne !
En tout cas on sait qui perd, c'est nous! Et c'est ça qui fait peine. Le corps des femmes, enjeu permanent des luttes de pouvoir entre hommes, espace qu'ils limitent, clôturent, ferment, contrôlent depuis toujours et qui ne laisse aux premières concernées que le faux choix entre la tranquillité apparente de la soumission et les cailloux tranchants de la désapprobation masculine aux funestes conséquences. A
lternative négative, qui perd perd, no win situation. La routine, quoi...
Entre autres perles, il parait que Sarko a dit : "Quand même, la liberté de la femme, ce n'est pas rien !" Bel effort! Ce n'est pas rien! Môssieu le Prez, vous l'avez été de la République pendant cinq ans, vous voilà à la tête d'un parti qui s'ampute de sommes colossales plutôt que d'appliquer les lois républicaines égalitaires pourtant votées par un mâle Parlement et donc parfaitement tiédasses. Et voilà que vous pensez aux femmes quand il s'agit de parfaire le discours facho tangeant dont vous espérez qu'il va vous ramener en haut du cocotier, là où tout le monde pourra voir que en vous avez de plus balèzes que LePen. Et Sarko n'est qu'un exemple parmi tout ceux qui se sont laissés aller à donner des leçons de respect de la Fâââme, ils chient pas la honte...
Oui mais je n'ai pas envie de ça. Je rentre ivre de soleil et de vagues, guillerette après deux très joyeux salons du livre et ce que j'ai envie de partager avec vous, ce sont ces lignes merveilleuses de
Julos Beaucarne, à dédier non seulement aux femmes qui en viennent à se voiler, à nous toutes qui la fermons si souvent pour avoir la paix (si, si, moi aussi...) mais aussi, tant qu'on y est, à tous les mecs qui nous accompagnent et qui, eux, ont compris depuis longtemps que le ET nous mène plus loin que le OU. Ils sont aussi concernés que nous par les enchaîneurs :
"Ne permettez pas qu'on fasse sur vous des rêves impossibles". "Ne vous laissez pas rêver par quelqu'un d'autre que vous même..."
Lisez le, écoutez le, c'est magnifique.
FEMMES ET HOMMES DE LA TEXTURE ET DU VENT
Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents
Ne vous laissez pas attacher
Ne permettez pas qu’on fasse sur vous
Des rêves impossibles
On est en amour avec vous
Tant que vous correspondez au rêve que l’on a fait sur vous
Alors le fleuve Amour coule tranquille
Les jours sont heureux sous les marronniers mauves
Mais s’il vous arrive de ne plus être
Ce personnage qui marchait dans le rêve
Alors soufflent les vents contraires
Le bateau tangue, la voile se déchire
On met les canots à la mer
Les mots d’amour deviennent des mots couteaux
Qu’on vous enfonce dans le cœur
La personne qui hier vous chérissait
Aujourd’hui vous hait.
La personne qui avait une si belle oreille
Pour vous écouter pleurer et rire
Ne peut plus supporter le son de votre voix
Plus rien n’est négociable
On a jeté votre valise par la fenêtre
Il pleut et vous remontez la rue
Dans votre pardessus noir
Est-ce aimer que de vouloir que l’autre
Quitte sa propre route et son propre voyage ?
Est-ce aimer que d’enfermer l’autre
Dans la prison de son propre rêve ?
Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents
Ne vous laissez pas rêver par quelqu’un d’autre que vous-même
Chacun a son chemin qu’il est seul parfois à comprendre
Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Si nous pouvions être d’abord toutes et tous
Et avant tout et premièrement
Des amants de la Vie
Alors nous ne serions plus ces éternels questionneurs, ces éternels mendiants
Qui perdent tant d’énergie et tant de temps
À attendre des autres, des signes, des baisers, de la reconnaissance
Si nous étions avant tout et premièrement des amants de la Vie
Tout nous serait cadeau, nous ne serions jamais déçus
On ne peut se permettre de rêver que sur soi-même
Moi seul connais le chemin qui conduit au bout de mon chemin
Chacun est dans sa vie et dans sa peau
À chacun sa texture, son tissage et ses mots
Merci Julos!
Album "Le jaseur boréal" 2006