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Gens du Nord

Les gens du Nord, c'est comme tout le reste: y a du bon et du mauvais.

Le bon, Enrico Macias nous l'a décrit... Ils ont dans les yeux le bleu qui manque à leur décor, et dans le coeur le soleil qu'ils n'ont pas dehors. Je note. Pierre Bachelet a mis son grain de sel. Au Nord, c'est les corons et la pluie mouille les cartables dans la buée des lessiveuses. Aussi. Mais ce n'est pas de ce Nord là, le nôtre, celui des Chtis, qu'il s'agit. Ce Nord là, on l'aime.

Je pense à un Nord plus nordique. Plus particulièrement aux Bataves et aux Teutons. Ces braves rubiconds adorent se rôtir la couenne au puissant soleil du Sud, mais les petits peuples basanés qui habitent toute l'année là où eux passent leur vacances ne suscitent chez eux qu'un sentiment de supériorité, qu'on retrouve au plus haut niveau. Il s'est passé il y a quelques jours un truc indigeste. Étrangement non relayé en France, sauf par Mediapart. Il s'agit d'Europe, vous savez, ce joli rêve de communauté kidnappé par les néolibéraux qui font passer la vie après l'argent.

Le 26 mars, au cours d'une visioconférence entre ministres européens, autant dire un truc où on se marre, il a été question de la gestion collective, par l'Europe, hôte première du virus, de la crise sanitaire. Ne comptez pas pour moi pour les détails techniques, je vous la joue grandes lignes: y participaient l'Italie, l'Espagne, la France et le Portugal d'une part, et d'autre part l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, et les Pays Bas. Et les pays du Nord n'ont pas voulu coopérer.

Le virus n'a pas le moindre préjugé. Il attaque les Chinois, les Européens et tous les autres avec le même appétit. Les riches, les pauvres, les beaux, les laids, les prétentieux, les complexés, pas de quartier. Mais il faudrait plus qu'une question de vie ou de mort pour décrasser un esprit nordiste de ses préjugés les plus moisis. Les Allemands et les Hollandais ont considéré qu'ils ne sauraient faire politique commune avec les pays du Sud, parce qu' "On y admet aux urgences des gens trop vieux infectés par le coronavirus". Laisser mourir les vieux dans les hospices ou les hospitaliser et tenter de les soigner. Deux cultures différentes. Pour les Nordistes, les Sudistes jettent l'argent par les fenêtres.

Les portugais, espagnols et italiens sont offensés, et la France s'est rangée à leurs côtés. Les bataves n'ont pas  hésité à ressortir les arguments les plus éculés de 2008, quand la crise était seulement financière. C'est à cette époque que les Nordistes inventèrent l'acronyme PIGS, porcs, pour désigner les pays du Sud, Portugal, Italie, Grèce, Spain (on affecte même l'Espagne de l'initiale anglo saxonne S, pour pouvoir cochonniser l'ensemble). Les PIGS leur coutent cher, disent-ils.

Un ministre hollandais déclara  déjà en 2017 que les pays du Sud "dépensent l'argent en verres et en femmes puis demandent de l'aide". Un journal espagnol rétorqua: "et ça vient du ressortissant d'un pays où on exhibe des femmes prostituées dans des vitrines...". Qu'il y ait de la corruption politique dans le Sud ne fait pas l'ombre d'un doute. Pour autant, les pays du Nord sont-ils des parangons de vertu?  Ou plutôt les bénéficiaires d'un holdup moins visible et autrement plus rentable ? Blanchiment d'argent, bulles spéculatives, commissions occultes, etc... Pour les Bas du Pays, il faut croire que l'évasion fiscale organisée n'est pas une forme de vol.

Les pays du Nord sont les grands bénéficiaires d'un système qu'ils ont eux mêmes mis sur pied de façon à ce que les avantages se cumulent et accentuent les injustices. Et ils se permettent de faire la morale aux pays qu'ils volent. Un peu comme les pères la pudeur qui fréquentaient les bordels accablaient les filles dont ils profitaient.

Pour conclure une citation de boomer: "N'empêche que si nous les Sudistes on avait été plus nombreux, les Nordistes on leur aurait bel et bien mis la pâtée!..."