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Larmes à gauche...
Je jette un oeil sur Twitter, hier après midi. Je vois passer une photo d'Alain Le Garrec. J'arrête de scroller, j'ai à peine le temps de me dire que c'est bizarre une grande photo comme ça, pas son genre de se mettre en avant, et je comprends qu'il est mort. Le corona a fait une victime de plus. Alain Le Garrec n'est pas quelqu'un que je voyais très souvent, surtout depuis que j'ai déménagé de l'adresse où nous étions voisins, dans le premier arrondissement. Mais il fait partie de ces gens pour qui on se prend
d'affection immédiatement. Il était la chaleur humaine faite homme, et j'imagine ne pas être la seule à le percevoir ainsi. Nous vivions dans un immeuble qui, comme beaucoup, allait être vendu à la découpe. Il avait mené la mobilisation des locataires, il en fut l'inspirateur, l'animateur, accueillant, drôle, optimiste. Et trouva le moyen de nous faire rester. Pas longtemps pour moi, pour d'autres raisons.
Depuis hier soir je pense à lui. Je me dis qu'il va beaucoup manquer, comme manquent tous ceux qui pensent aux autres, par ces temps d'individualisme et de cynisme. Et si j'ai envie de parler de lui, d'écrire ces lignes, c'est aussi parce qu'il incarnait, à mes yeux, il n'est pas le seul mais il en fait partie, l'idée que je me fais de la gauche. Du peuple de gauche. La gauche de coeur, celle des tripes, pas celle des appareils. Être socialiste, ça peut n'être qu'une étiquette, nous le savons, ça s'est vu sous certains gouvernements et ça se voit encore. Lui même était encarté, élu, ce sont là circonstances. Au delà, à la base, il y a l'essence. Une qualité d'être. Une forme d'humanisme. Une attitude. Qui n'a pas besoin de labels. Engagement, générosité, attention aux autres, ça ne se chiffre pas, ça ne se mesure pas, ça se ressent.
Il en avait, aussi, la culture politique, les références historiques, la capacité à mettre en perspective. Et la bienveillance, cette façon de s'adresser exactement de la même manière au balayeur ou au député, dont j'ai découvert avec le temps que ce n'était pas une évidence pour tout le monde. Ressentir le sdf, le réfugié, le prisonnier, comme un autre soi-même. Je ne dis pas que c'est un monopole, non, nous n'avons pas le monopole du coeur comme disait Giscard, et nous n'y prétendons pas, parce que, comme le reste, ça se partage.
Bref, je le sentais du même monde que moi, celui de ma famille et de tant d'autres, de cette gauche sentimentale, naïve, sincère, qui croit aux lendemains qui chantent. Elle rêve? Oui. C'est ça qui est beau. Ça crée toujours chez moi un sentiment de gratitude, d'appartenance. Ça s'appelle la fraternité. On peut s'opposer, s'engueuler, et même on adore ça, ça met de l'ambiance. Mais ça n'arrive jamais à l'os, ne touche pas l'essentiel.
Alain était le genre de personne qu'on savait pouvoir appeler en cas de besoin quand quelque part, quelqu'un, pour une raison ou pour une autre, avait besoin d'aide. D'aucuns prétendent, et d'autres doutent, que ce que quelqu'un est vraiment, son être profond, se lit sur sa figure. En ce qui concerne Alain, c'était on ne peut plus vrai. Une bonne gueule, de mec bien.
Il était sorti de l'hôpital, j'en avais déduit qu'il était tiré d'affaires. Il y a une quinzaine de jours. On n'en sait pas, en tout cas je n'en sais pas, encore beaucoup sur cette saloperie de virus. Ce qu'on en disait au début est démenti par la réalité qui se rappelle à nous de la pire façon.
Penser à toi, Alain, donne envie de chanter
Le Temps Des Cerises.
Adios amigo. Hasta siempre.
Que la tierra te sea leve.
Espace commentaire
Barbara - Le 27/04/2020 à 10:22
Très beau texte, très émouvant. Merci !
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le garrec - Le 14/05/2020 à 15:08
bonjour, je vous remercie de ce que vous avez ecrit pour mon père. Il était très fier de vous connaitre. cordialement Anne (sa fille ainée)
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Isabelle Alonso - Le 14/05/2020 à 15:15
Et moi très fière de le connaître. Il est quelqu'un que nous n'oublierons pas. Merci à vous.
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