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Mise au point

Un livre vient de paraître aux éditions Robert Laffont. Il s’agit de «Anatomie d’une prédation» par Alice Augustin et Cécile Ollivier, au sujet de l’affaire Miller.

Janvier 24. Je découvre l’affaire Gérard Miller. Elle est distillée petit à petit, au gré de l’accumulation des témoignages. Je passe de l’incrédulité à l’accablement. J’ai fréquenté Gérard Miller pendant des années, fait de la télé et de la radio avec lui. Je suis très vite contactée par les média. Et très vite je comprends qu’ils ont choisi à l’avance ce qu’ils veulent entendre. Je décline donc toutes les sollicitations. J’en suis à essayer de comprendre ce qui s’est passé, dont je ne savais rien. Les réseaux sociaux se déchaînent contre moi, les insultes pleuvent.

Octobre 24. Neuf mois ont passé, j’ai eu le temps d’assimiler. Je ressens une grande colère contre Gérard Miller. Il aura trompé et manipulé beaucoup de monde. Ma solidarité avec les victimes est totale. J’enrage de penser que ma simple présence sur un plateau a pu rassurer une mère. Une journaliste, Cécile Ollivier, qui m’a déjà sollicitée, insiste plus que les autres. Elle écrit un livre sur l’affaire. J’accepte de la rencontrer.

Avril 25. Son livre vient de paraître. Page 54, elle m’y consacre un paragraphe délibérément malveillant, sous un titre réducteur, (Alonso la Chienne de Garde, n’a rien vu). Sur un ton ironique et dubitatif, tout en citant des propos que j’ai effectivement tenus et que j’assume, elle me décrit tour à tour comme hyper agressive (dézinguer les machistes, sauter à la gorge du moindre chroniqueur) et geignarde (atterrée, malgré sa lassitude…). Reprendre les clichés antiféministes les plus éculés est une manière de déconsidérer ma parole. De sous-entendre que je mens.

C’est de la calomnie.

Quand j’ai accepté, de guerre lasse, de répondre à Cécile Ollivier, c’est parce que j’ai cru en sa bonne foi. Sa façon de présenter mes propos suggère que soit, ayant vu, je prétends n’avoir pas vu, soit n’ayant rien vu je ferais preuve d’une cécité délibérée. Pile je perds face je ne gagne pas. Mais soit elle me pense complice, et alors qu’elle le prouve, qu’elle enquête. Qu’elle fasse son boulot. Bonne chance. Soit elle respecte ma parole. Il n’y a pas de place sur un sujet aussi grave, aussi atroce, pour l’ironie, le sous-entendu et l’accusation sous-jacente. Il est paradoxal pour elle de se réclamer de Metoo, qui repose sur le respect de la parole des femmes, et de mettre en doute la mienne. Elle a le Metoo sélectif.

Rien ne m’est plus familier, depuis des décennies, que l’hostilité de principe réservée à mes prises de position, qui ne datent pas d’hier. La dénonciation du caractère systémique du viol n’a rien de nouveau pour moi.

En 1995, dans mon premier livre*, j’écrivais ceci : « Bien sûr, les hommes ne sont pas tous des violeurs, loin s’en faut. Mais ils bénéficient tous du rapport de forces créé par ceux d’entre eux qui passent à l’acte comme les éclaireurs d’une armée d’occupation ».

En 1999, dans le deuxième**, je confirmais : « Les hommes exercent collectivement un contrôle permanent sur le corps des femmes. La basse besogne échoit aux moins scrupuleux, qui font payer le prix fort à quelques malchanceuses dont le sort sert d’avertissement à toutes les autres. Et cet état de choses est si profondément inscrit dans les consciences des unes et des autres qu’il passe inaperçu. Ou pire, qu’il apparaît comme naturel ».

« Mais que font les féministes ? » entend-on à tout bout de champ. On fait ça. On observe. On analyse. On lutte. Et on change le monde. Que Cécile Ollivier préfère s’en désintéresser ne dit rien de bon sur sa rigueur professionnelle.

Metoo a ouvert une brèche. Ça ne suffira pas. La forteresse patriarcale est solide, offre une résistance féroce, que ma détractrice vient servir à sa manière.

 

 

*Et encore, je m'retiens! (Ed. Robert Laffont)

**Tous les hommes son égaux, même les femmes (Ed. Robert Laffont

 

 

17
Avr 25


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Espace commentaire

Isabelle Germain - Le 18/04/2025 à 14:45

Ce qu'ont fait ces journalistes avec toi est minable ! Des ignorantes qui cherchent à se faire mousser. Et l'éditeur de leur bouse ? Il laisse passer ? Il n'a pas lu les bouquins d'Isabelle Alonso qu'il a lui-même publiés ? Solidarité Amie Isabelle !

Isabelle Alonso - Le 19/04/2025 à 11:04

On ne se décourage pas pour autant!



Maryne Bruneau - Le 21/04/2025 à 17:16

Quelle méconnaissance majeure de votre travail et de votre engagement Isabelle ! Je n’ai pas lu ce paragraphe et ne le lirai pas : je sais ce que vous avez apporté aux femmes, au féminisme. Je sais que depuis 23 ans que je m’engage, vous faites partie de mes Sorores-modèles, je sais qu’en écrivant mon dernier livre (Sororite : le pacte) vous faisiez partie de celles que j’avais en tête. Merci pour ce que vous avez fait et faites. A bientôt ici, ailleurs, partout.


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