C’est reparti pour un tour ! Premier Janvier, et déjà une raison de m’énerver. Je suis abonnée au Figaro, j’assume. Mais je sens qu’au moment de renouveler, je vais prendre l’option SANS magazines. Un tel concentré réac est souvent distrayant mais des fois ça dépasse les bornes. C’est le cas dans le dernier numéro de 2010.En pages 94 et 95, sous la signature de Jean Sévillia, un papier intitulé La guerre sans pitié présente un livre de Stanley Payne, historien américain (La Guerre d’Espagne, l’Histoire face à la confusion mémorielle). Sévillia prétend tordre le coup aux idées toutes faites sur la guerre d’Espagne (1936-1939) et réécrire l’Histoire "sans parti pris". Dans ses démonstrations, il prend toujours soin de se cacher derrière "des historiens" qui seraient préservés de l’idéologie. Par quoi ? Précisément par leur statut d’historien. Sévillia, lui, se contente d’être le roi de la tautologie.
L’article est illustré (sans parti pris, rappelons-le) par une photo de corps de religieuses exhumées à Barcelone en 1936, exposés et photographiés. Bon Jour de l’An, et que ça ne vous coupe pas l’appétit, surtout ! On comprend qu’il s’agit ici de souligner la sauvagerie de camp républicain, pour relativiser celle des franquistes. On peut cependant s’interroger sur la supposée équivalence de tout acte violent. Certes, ouvrir des tombeaux et en extraire les cadavres est monstrueux, injustifiable. Mais, à moins de faire appel à cet "historiquement correct" que Sévillia pourfend dans un de ses ouvrages, à juste titre, pour omettre de placer les évènements historiques dans leur contexte, saurait-on mettre sur le même plan la violence qui détruit les symboles de l’oppression et celle de l’oppression elle-même ?
Tuer un instituteur et tuer un curé (ou une religieuse), c’est toujours tuer et ça n’a rien de glorieux. Mais dans un village espagnol des années trente, un curé n’avait rien à voir avec ce qu’il est dans un village français d’aujourd’hui. Un curé était un vecteur séculaire d’abus de pouvoir, bras armé d’un injustice écrasante qui avait fini par accumuler un torrent de souffrances, de silence, de terreur. S’attaquer au religieux, à cette époque et à cet endroit, c’était se révolter contre ça.
L’instituteur, dans ce même pays ravagé par l’analphabétisme, apportait, au contraire, la lumière et l’espoir à ceux qui croyaient aux vertus de l’éducation et qui rêvaient d’une instruction publique à la française, laïque et gratuite. S’attaquer à l’instituteur (ou à l’artiste, comme ce fut aussi le cas) c’était tenter de tuer la modernité, la liberté et la démocratie dans l’oeuf, avant qu’elles aient eu la moindre chance de produire leurs effets.
Ajoutons que malgré l’horreur de l’acte, s’attaquer aux corps déjà morts des religieuses est de toute évidence moins radical que de massacrer les vivants.
La thèse de l’article ? Je vous le donne en mille ! Y a eu des horreurs des deux côtés ! Dans la lecture de l’Histoire, Sévillia oppose, les "polémistes de gauche ayant une revanche à prendre sur la défaite de 1939", à une "école de chercheurs soucieux de travailler sans oeillères idéologiques". Pour les gens de droite, l’idéologie est une spécialité de la gauche dont ils sont, eux, dépourvus par nature ! Rigoureux, en effet.
Et quelles sont les conclusions de ces parangons d’objectivité ?
Que la République n’existait pas, n’existait plus au moment du coup d’État des militaires. Qui, donc, ne s’attaquait à "rien", ne détruisait "rien" ? Un "rien" qui avait gagné des élections démocratiques et qu’il fallut trois ans pour anéantir, mais qui n’existaient pas pour de vrai ! Reconnaissons que la thèse est audacieuse autant qu’a-idéologique...
Que la guerre fut impitoyable. Des deux côtés. C’est à dire du côté des agresseurs et de celui des agressés, mis sur le même plan. Sevillia fait bon marché de l’entêtement sauvage de Franco, qui ayant militairement guerre gagné dès la fin de 36, continua à massacrer jusqu’en 39, tant qu’il resta aux Républicains un souffle d’énergie et d’espoir, puis continua, après 39, à faire régner la terreur au quotidien sur le pays tout entier. On n’a pas encore fini, aujourd’hui, d’inventorier la liste des crimes franquistes (rapts d’enfants, assassinat de leur mère, exécutions sommaires bien après la fin de la guerre proprement dite, charniers...) dont a souffert le peuple (ce mot doit faire frémir l’objectivité de Monsieur Sévillia...) pendant 40 ans (39 très précisément, de 1936 à 1975). Le clan de la droite extrême est resté assez puissant pour imposer en 1976 une loi d’amnistie visant à effacer ses crimes, et aujourd’hui encore, pour empêcher que la lumière soit faite sur les charniers du franquisme et leurs 200 000 victimes sans nom et sans tombeau.
Sévillia admet, bel effort, qu’ « après la guerre, la répression se prolongera jusqu’à la fin des années 40 ». Et les années 50 ? Pipi de chat ? Les années 60 ? Roupie de sansonnet ? Et jusqu’aux années 70 ? Bave d’escargot ? Objectivité quand tu nous tiens... Quiconque valorise un tant soit peu la liberté d’expression, de réunion, de manifestation et la liberté de pensée appréciera… Pour conclure, et l’on ne sait plus si on en rit ou on en pleure, je vous livre la fin de l’article, deux phrases :
« Avec le temps, sans changer de caractéristique (mais alors où se situe la disparition de la répression suggérée juste avant ?) le régime se modèrera jusqu’à mettre en place le mécanisme qui permettra un jour le retour à la normalité européenne (retour ? normalité ? il parle de quoi ? ça suppose que l’Espagne a fait partie, historiquement, d’une "normalité européenne" ? mais laquelle ? et quand ? ).
« Paradoxe de la dictature franquiste : c’est elle qui aura ouvert la porte à la démocratie ». Trois ans de guerre, 36 ans de dictature, en fait c’était pour préparer la démocratie ! C’est un peu comme si un cancérologue expliquait qu’une tumeur, une fois enlevée, fait le lit de la bonne santé ! Voilà sans doute ce que Monsieur Sévillia considère comme une vision dénuée "d’œillères idéologiques".
C’est le camp des démocrates, des républicains qui a permis le passage à la démocratie, et lui seul. Non pas qu’on y considérât que les crimes dussent rester impunis, mais qu’il était temps que les jeunes générations connaissent la modernité. Les franquistes pesèrent de tout leur poids pour que rien ne change. Jamais. L’immobilisme est leur crédo. Résultat ? Une amnistie cause d’amnésie générale, des blessures encore ouvertes qui palpitent dans l’inconscient collectif et la porte ouverte au révisionnisme des "historiens sans œillères idéologiques ".
Il faudra bien un jour cesser de craindre les franquistes (facile à dire quand on sait de quoi ils sont capables) et laisser la vérité apparaître, car elle existe, et seuls les criminels la craignent.
iA !
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Vincent - Le 30/10/2016 à 07:52
Bonjour, j’adore le commentaire de ce monsieur Jacques: “Le problème de la France c’est qu’il y a eu beaucoup de réfugiés républicains (sic, tiens donc ! pourquoi ? la faute à qui ?). Or ceux-ci ont imposé leur version de la guerre d’Espagne en France. Il y a bcp de propagande en France en raison de l’influence des républicains espagnols et de leurs descendants.“ J’avoue que ce constat d’un tel lobby ne m’était jusqu’alors jamais parvenu, j’ai dû être sourd et aveugle depuis des décennies pour ne pas m’en être rendu compte. Son premier billet rempli de références fourre-tout n’apporte rien de probant ; quant au second, monsieur Jacques se discrédite totalement par son analyse médiocre et partiale de l’histoire espagnole. Puisqu’il se gargarise de références intellectuelles à l’appui de ses pseudo-assertions, je lui en conseille 2 toutes simples, justement tirées du camp national pour éviter toute suspicion partisane : Georges Bernanos avec Les grands cimetières sous la lune et Miguel de Unamuno avec son fameux “Venceréis… pero no convenceréis” face au subtil “¡Muera la intelectualidad traidora! ¡Viva la muerte!” d’un chef franquiste, poète, littéraire et humaniste à ses heures, comme semble les apprécier monsieur Jacques. S’il n’y avait pas eu tant de morts, de souffrance et de malheur sur tant d’années pour le peuple espagnol ”grâce” à ces ”gentils” et ”soft” putschistes, je crois que j’aurais pu rire de ce débat. Vincent
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Isabelle Alonso - Le 31/10/2016 à 21:16
MERCI Vincent! Aussi effarée que vous par tant d'ignorance et de mauvaise foi.
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jacques - Le 24/10/2016 à 06:21
Il faut arrêter d'être de mauvaise foi. Stanley Payne est considéré comme l'historien le plus réputé sur le sujet. C'est un social démocrate et ses ouvrages ont été interdit sous l'Espagne de Franco. Donc, vous allez m'expliquer qu'un historien de gauche dont les écrits ont été interdits en Espagne lors de la dictature franquiste a un parti idéologique pro franquiste ?? Il faut le faire pour réussir tant de mauvaise foi. Surtout, les ouvrages de Payne sont très bien sourcés. Un autre livre intéressant que vous devriez lire: Le Temps de Franco de Michel Del Castillo (historien dont la mère républicaine a fui le Franquisme mais qui bien sûr, selon vous, est un pro franquiste). Donc selon vous, Brian Crozier, Antony Beevor , Bartolomé Bennassar, Gerald Brenan, Philippe Nourry, Paul Johnson, José Manuel Cuenca Toribio, Carlos Seco Serrano, Hught Thomas, José Luis Orella, Jesus Larrazabal, Carlos Seco Serrano, Ricardo de la Cierva, César Vidal, Henry Kamen (et bien d'autres) sont tous des historiens négationnistes pro franquistes ? Pourtant, ils sont considérés comme des historiens sérieux partout sauf en France peut être. Le problème de la France c'est qu'il y a eu beaucoup de réfugiés républicains. Or ceux ci ont imposés leurs version de la guerre d'espagne en France. Il y a bcp de propagande en France en raison de l'influence des républicains espagnols et de leurs descendants. Il y a très peu d'ouvrages historiques sérieux sur la guerre d'espagne en France. C'est bcp plus le cas d'historiens anglophones. C'est sur que les historiens d'extrême gauche qui racontent votre version de l'histoire (les gentils républicains démocrates contre les méchants franquistes) eux sont totalement impartiaux, ils n'ont aucun parti idéologique. Au niveau des preuves, les historiens que j'ai cité sont bien plus convaincants. Par exemple, il suffit de lire le programme des partis de la gauche et lire les discours de leurs leaders pour savoir qu'ils sont contre la démocratie. Ils le disent de manière assez claire qu'ils veulent créer la dictature du prolétariat
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Isabelle Alonso - Le 24/10/2016 à 09:40
Oui, oui, la fachosphère abonde de références truquées... Le révisionnisme règne en Espagne. Lisez "Je mourrai une autre fois". C'est un roman. Ça vous fera du bien. Ou pas. "Le problème de la France c'est qu'il y a beaucoup de réfugiés républicains" dites vous. Ben voilà! Vous avez réussi à cerner les vrais problèmes de la France. Ces propos vous honorent, quelle clairvoyance!
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jacques - Le 24/10/2016 à 07:10
La république espagnole n'a jamais été créé par la gauche. Ce furent des hommes politiques de la droite espagnole classique, Alcalá-Zamora et Maura, qui unirent les républicains et les poussèrent à prendre le pouvoir en 1931. Les trois pères spirituels de la république espagnols sont José Ortega y Gasset, Ramón Pérez de Ayala, Gregorio Marañón y Posadillo. Ce sont des penseurs libéraux et de fervents démocrates. Pourtant, ils ont ralliés le camp national. Les radicaux (parti rempli de francs macons) dont personne ne peut nier leur attachement à la démocratie, a soutenu le camp national (rien d'étonnant quand on sait qu'ils ont été massacrés par les gentils républicains). Même chose pour les démocrates chrétiens. De manière générale, les centristes et la droite modérée (autrement dit les gens qui ont fondé la république) n'ont pas ralliés le camp des républicains mais bien le camp national. A votre avis, pourquoi ont t ils fait cela si les républicains étaient de gentils démocrates ? Au fait, si la gauche était tellement démocrate pourquoi elle a tentée de faire un coup d'état en 34 ? Quand on dit que le front populaire a gagné les élections de 36, c'est loin d'être juste. Les résultats officiels n'ont jamais été publiés. On a juste une estimation. Globalement, on estime que le front populaire a gagné en nombres de sièges mais perdu en nombre de voix. A tous les gens qui pensent que les républicains étaient les gentils, savez vous pour quel raison le camp national l'a remporté ? En raison de la division du front populaire. Les membres du front populaire étaient tellement fanatiques qu'ils s'entre tuaient entre eux. Voilà ce qui a causé leur perte.Ils étaient tellement sectaires qu'ils ne se supportaient même pas entre eux. Les gentils républicains massacraient les membres du clergé, brûlaient les églises, violaient les nonnes,...dès 31. La démocratie n'existait plus. Les milices ouvrières assassinaient les opposants politiques au front républicain. Il suffit de lire les écrits de ceux qui ont créé la république. Eux mêmes reconnaissaient l'échec de la république. Epuration de la fonction publique, suppression de l'indépendance de la magistrature, organisation de camapagne de terreur contre les journaux d'opposition et le clergé, destitution du président de la république, privation du mandat de députés de droite,...Calvo Sotelo est le parfait exemple du caractère dictatorial du front populaire. Il fut menacer de mort au sein du parlement par des membres du gouvernement et il fut tué par des policiers et des miliciens socialistes (dont un garde du corps d'un haut dirigeant du PSOE). Les républicains ont commis l'un des plus grand massacre anticlérical et vous avez l'air de le banaliser et puis vous donner des lecons de morale. Et ils ont pas massacrés que des membres du clergé, ils ont aussi massacré de simples catholiques. Pq parler de peuple ? L'Espagne était divisée. Une bonne moitié approuva les actions de Franco dans les années 30. J'ai de sérieux doutes quand à vos chiffres. Oui, les franquistes commirent des crimes mais les républicains aussi. Les républicains ont aussi commis des crimes à froid (càd quand il n'y avait pas la guerre civile). Ils ne se sont pas gênés pour commettre des massacres. Dire que le camp national l'a remporté dès 36 est faux, il a fallu attendre 39 pour contrôler la totalité de l'Espagne. Allez lire des historiens sérieux sur le sujet avant d'en parler. Dire que l'Espagne devient une dictature soft n'est que la vérité. Comparer à la plupart des dictatures, je crois que je préfère largement l'Espagne franquiste des années 50. Maintenant, cela restait une dictature réprimant ses opposants mais il y a peut être une échelle à faire. S'il n'y avait pas eu la dictature franquiste, il y aurait eu la dictature du prolétariat et vu l'expérience que l'on a, on peut dire que cela aurait été bien pire.
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Isabelle Alonso - Le 24/10/2016 à 09:37
Wow, wow,wow! Merci d'avoir remonté le temps et de me servir cette plâtrée de pur n'importe quoi. Vous assumez d'aimer l'extrême droite, libre à vous, puisque vous avez la chance de vivre en République et de pouvoir vous exprimer... Quand à votre conclusion, je dirai ceci, emprunté à ma copine Sarraute (Claude, pas Nathalie): "Et si ma tante avait des roues, ça serait un autobus..."
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Angèle - Le 24/10/2016 à 11:11
Isabelle je viens de prendre connaissance de la réaction de Jacques et j'en ai des frissons de frayeur....oui les fachas reviennent...çà me fait froid dans le dos et par tout le corps en fait....comment aujourd'hui peut on sortir autant d'inepties ?...se gargarisant de références pseudo historiques...au moment où on salue l'engagement des brigadistes internationaux c'est leur faire outrage que ce texte....ainsi qu'à toutes celles et ceux qui ont combattu pour une république démocratique... oui il a la chance de vivre dans une république où il peut s'exprimer librement mais il pourra vivre aussi sous une dictature vu les propos qu'il tient il fera sa propagande... Bon courage Isabelle il y a du boulot d'information à faire...pas pour celui qui a écrit cette réaction mais pour les lectrices-lecteurs de cette chronique qui pourrait se laisser berner par les propos réactionnaires et détournés (historiquement parlant ) de cette personne.... Angèle
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