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Peur des flics
"On n'est pas couché" a repris samedi soir, après des semaines d'interruption coronavirusienne. Je n'ai pas vu l'émission, mais j'en vois les suites dès hier matin sur les réseaux sociaux! Énorme buzz d'entrée! On reconnait les pros! C'est fou! Je regarde donc l'extrait d'émission incriminé. Pour la reprise, il y avait Camelia Jordana et elle a dit ceci: “
Ils sont censés nous protéger, mais il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j’en fais partie.” Bon. A priori, un truc que je pourrais dire. Et je ne suis pas la seule.
Quand on me demande, très rarement, les papiers de mon véhicule, qui sont toujours, toujours, absolument en règle, j'éprouve toujours une petite angoisse, comme si j'avais quelque chose à me reprocher. C'est d'ailleurs cette angoisse diffuse qui me pousse à avoir des papiers parfaits. Et aussi les origines étrangères de ma famille. Les papiers sont l'obsession des sauteurs de frontières, et ce n'est pas pour rien....
Mais ce n'est pas de cette petite angoisse, ténue, que parle Camelia. Elle fait allusion au contrôle au faciès. Prétendre que ça n'existe pas est un déni du réel. Noirs et Arabes, dans la France d'aujourd'hui, sont contrôlés en permanence, surtout s'ils sont jeunes et de sexe masculin. C'est un fait. Et, parfois, ça dégénère. Et parfois, ça fait des grands blessés. Et même des morts.
Face à elle, Philippe Besson, écrivain, s'agite, gesticule, défend les flics, qui sont là pour nous protéger. Et qui sont eux mêmes souvent
attaqués. Et qu'on ne peut pas aimer en janvier 2015 au moment des attentats et les craindre en 2020 au moment des gilets jaunes. D'abord ils font où on leur dit de faire, ne sont pas responsables des ordres qu'on leur donne. Il n'a pas tort. A ceci près qu'il semble n'avoir aucune notion du concept de bavure policière. Ou alors son amour pour Macron l'aveugle un peu. Ou l'éblouit! Il n'y voit goutte...
Une invitée, chanteuse, talentueuse mais ce n'est pas la question, émet une opinion. Plus précisément, elle décrit un sentiment qu'elle éprouve. Elle l'éprouve, elle le dit. C'est ce qu'on appelle exercer son droit d'expression. Un autre invité, Philippe Besson, réagit au quart de tour, en y mettant quelque véhémence, sur le mode: "
Attention, pas tous les flics". Ça évoque le réflexe immédiat des gens à qui on parle de violence machiste et qui disent: "
Oui, mais non, mais tu peux pas dire ça, parce que pas tous les mecs!". Non. Pas tous les mecs. Manquerait plus que ça. Des mortes quand même.
D'accord, on est à la télé, ça fait haut parleur. Mais quand même. Une chanteuse, un écrivain, ne partagent pas la même opinion. Ils le disent. Bien. Ok. Ils ne représentent qu'eux mêmes, dans un échange sans enjeu de propos enregistrés puis montés. Pas de quoi se mettre la rate au court bouillon. Si! Dès le lendemain, branle bas de combat! Le ministre de l'Intérieur réagit! Le ministre en personne ! Il condamne! Tonitrue, glapit sur les réseaux sociaux! Oh, ce qu'elle a dit! Ce qu'elle a dit, faut pas le dire! C'est "honteux"! C'est "mensonger"! C'est trop, too much, abomiffreux!
Un ministre en exercice se donne la peine de mettre son grain de gros sel, des fois qu'il louperait une occasion de la ramener ? Mais pourquoi? Pourquoi se mettre à la minuscule hauteur d'une émission d'info-divertissement ? Pourquoi prendre position de manière si caricaturale? A t-il conscience qu'un ministre est censé se comporter en homme d'État, pas en otage intimidé de syndicats policiers au corporatisme à courte vue? Pourquoi trivialiser sa fonction? La dévaloriser? Est-il si sûr qu'il n'y a pas du vrai dans ce qu'elle dit? Où est le ni-ni cher à son patron s'il réagit au quart de tour sans nuance, sans distance? Camelia Jordana a t-elle inventé les violences policières? A t-elle imaginé les bavures? Le racisme de certains représentants (pas tous, non, pas tous, tout le monde est d'accord) des forces de l'ordre est-il pur fantasme ?
Et un syndicat policier porte plainte contre la chanteuse! Porte plainte, allons-y gaiment ! Un peu de boulot supplémentaire pour les magistrats, parce que là, c'est trop grave, il peut pas laisser passer ! Mais ils n'ont pas autre chose à faire, le ministre et le syndicat? Ce n'est pas une tempête dans un verre d'eau, c'est un clapotis dans un dé à coudre!
Croyez vous que Castaner et ses collègues du gouvernement pourraient s'arrêter deux secondes à réfléchir à ce qui se passe dans les banlieues? A la vie quotidienne quand on est à la fois basané et pauvre? A l'attitude hyper agressive de très nombreux flics, filmée des centaines de fois ? Assument-ils que sans les téléphones portables ils continueraient à nier l'évidence? Que peut-on attendre d'un gouvernement sourd à toutes les revendications, mobilisations, manifestations depuis le printemps 2017? Que peut-on attendre de gouvernants à qui il faut le coronavirus, des milliers de morts et deux mois de confinement général avant de condescendre à entamer des négociations avec le personnel hospitalier?
Tiens, ça me rappelle des propos tout ce qu'il y a d'intolérables tenus sur ce même sujet, il y a des années:
"
La police c'est trop t'ingrat comme métier. C'est vrai ! C'est t'ingrat la police, parce que par exemple... parce que j'vois, parce que les gens y nous aiment pas ! C'est con ! Parce que nous on est là pour les protéger hein ? Vous avez remarqué les gens ? Plus y a de flics autour d'eux, plus y z'ont peur ! "
Cet émule de Camelia Jordana, qui dit la même chose avec d'autres mots, s'appelait Coluche.
Espace commentaire
Gregorio - Le 25/05/2020 à 22:02
Hola guapa Ils sont désemparés. En tapant ( sur toutes ses formes) sur ‘le petit et le soi disant étranger’, ils pensent Récupérer les voix de la droite bourgeoise mais, par leur incompétence et leur cynisme , ils font prospérer l’extreme droite. On est pas sortie de ‘la berge’ Un abrazote
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Isabelle Alonso - Le 26/05/2020 à 18:26
Un abrazo fuerte para ti!
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malavita - Le 26/05/2020 à 14:49
Les femmes battues reconnaissantes envers la police .... https://www.20minutes.fr/faits_divers/2786287-20200526-metz-femme-victime-violences-conjugales-agresse-cinq-policiers-conjoint
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Isabelle Alonso - Le 26/05/2020 à 15:05
Je suppose que vous m'envoyez ça pour me démontrer que les femmes aussi peuvent être violentes. Que les flics aussi peuvent être des gens très bien. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Une fois ceci posé, une fois encore, on ne voit pas en quoi ça empêcherait de dénoncer et les violences machistes, fréquentes, pesantes, et les violences policières qui sont précisément le fait de personnes au service de la population et censées la protéger.
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