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Scarlet? Non, merci!
Je n'ai jamais aimé Scarlet O'Hara, l'héroïne d' "Autant en emporte le vent". Pas très intelligente, égoïste, calculatrice, manipulatrice, hypocrite, comptant avant tout sur son pouvoir de séduction, la jeune Sudiste imaginée par Margaret Mitchell m'était apparue comme un cliché sur pattes auquel je refusais de m'identifier quand, adolescente, je lus le livre. Rhett Butler m'apparut tout autant comme une redoutable tête à claques. Puis le cinéma apporta sa magie. Je ne changeai pas d'opinion sur les personnages, mais les comédiens et les images étaient somptueux. Le film? Une croute hollywoodienne à gros sabots comme on les aime...
Quid de l'esclavagisme? Je lisais depuis longtemps toutes sortes d'histoires situées dans toutes sortes de contextes et j'étais parfaitement à même de faire la part des choses, de distinguer ce qui était la marque d'un temps révolu sans rien enlever à la qualité du roman et sa capacité à me tenir en haleine. Une action située aux temps de l'esclavage n'est pas forcément une apologie. Et pas forcément une dénonciation, évidemment. Retirer un film de la programmation est une façon de se donner bonne conscience pour pas cher. On est dans le dérisoire.
Imaginons la rigolade si nous les femmes nous lancions dans l'effacement des marques du patriarcat dans la production artistique à travers les siècles... Pas seulement artistique. Politique, aussi. Allez! Que resterait-il dans nos musées? Dans nos théâtres? Dans nos bibliothèques? Dans nos rues? Le désert de Gobi, à côté, c'est le RerB à dix huit heures, avant le confinement. Il y a bien eu quelques tentatives. Comme, par exemple, changer la fin de Carmen. Que ce soit elle qui tue. Selon le vieil adage qu'il vaut mieux être le boucher que le veau?
Non. Trahir Bizet n'apporte rien. Laissons l'art jouer son rôle de marqueur de temps. Plutôt enseigner l'Histoire de l'Art, l'Histoire tout court, histoire de s'enrichir l'esprit. Et tout en encourageant l'expression artistique des filles d'aujourd'hui, leur permettre de marquer l'époque de leur créativité et de leur génie. Foutre la paix à cette pimbêche de Scarlet dans la naphtaline de sa crinoline, les étouffements de son corset et son eau de rose esclavagiste. Laisser la bride sur le cou à toutes les Camille Claudel, les Colette, les Berthe Morizot, les Artemisia Gentileschi, les Louise Labbé en devenir.... Leur ouvrir des perspectives. Les voir conquérir le ciel comme des volées d'oiseaux sauvages...
Quid des statues? Eradiquer les signes de patriarcat? Va pas rester grand chose dans la statuaire urbaine. Boulevards des Maréchaux, palais du Louvre et sa galerie de braguettes moulantes (allez vérifier, un pur bonheur!), héros en couilles et en couleurs... Et tant de leurs semblables, en bronze, en pierre, en plâtre... Seuls les dictateurs devraient être mis par terre. Moi, par exemple, c'est Napoléon qui me dérange. Il nous a mises en cage, bien empoisonné la vie, sur des générations. Alors si on recyclait son grotesque tombeau des Invalides en hommage aux femmes illustres, brillantes ou rigolotes, ça aurait de la gueule...
Peupler l'espace public avec nos oeuvres, nos héroïnes, nos symboles. Le rendre mixte. Est-ce inscrit dans les programmes électoraux des municipales? Ça devrait.
Depuis quelques années, sur pression féministe, les mairies se sont mises à tenter d'équilibrer la redoutable répartition machiste des nomenclatures municipales. Mais on débaptise peu. Le féminin ne figure pas encore dans l'avenue, le boulevard, la voie majestueuse. On en est plutôt à qualifier de square une pauvre intersection munie de trois arbustes anémiques, ou de passage une anfractuosité entre deux rangées d'immeubles, avant de les baptiser au féminin. On investit les jardins, les gymnases, les médiathèques, c'est déjà ça.
Un jour, les douze avenues parisiennes qui mènent à la place de l'Étoile et qui, à l'exception de l'avenue Victor Hugo, arborent des noms guerriers, porteront les noms de glorieuses féministes, pour les remercier d'avoir changé le monde. On lui laissera la sienne au grand Victor, pour avoir été un grand féministe et pas seulement un micheton de bas étage, pour qui aller chercher des gamines au bois de Boulogne n'avait rien de répréhensible. Le retenir contre lui serait aujourd'hui un anachronisme. Mais autant le savoir et autant s'en souvenir.
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Manuel Periáñez - Le 27/06/2020 à 23:03
Manuel Periáñez Ginestà Elle a tapé fort, comme d'hab, ma camarade Isa, sur l'hystérie de masse de ces derniers jours : le déboulonnage ! Vous aviez remarqué, vous, qu'au Louvre il y a "la galerie des braguettes moulantes" ? Il perd rien pour attendre, le Louvre... Ni la place de l'Étoile, dont un jour les 12 avenues aux noms machistes porteront ceux des féministes les plus méritantes. Je suis pour ! Et je propose que les Champs Elysées deviennent l'Avenue de la Femme du Soldat Inconnu ! 1
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Isabelle Alonso - Le 28/06/2020 à 00:09
Merci! On trouvera bien une femme qui a un nom pour les Champs!
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Encorelui - Le 04/07/2020 à 09:28
"Patriarcat" suggère une "prise de pouvoir par les hommes". Or, dans cette conception d'échange économico-sexuel, c'est bien la femme qui choisit à qui se vendre. Et en choisissant "celui qui a la plus grosse..." (voiture, somme d'argent, taille, position sociale...) ce sont elles qui sélectionnent les hommes dominants dans le processus de reproduction. La compétition entre mâles, la course au plus viril n'est donc pas le fait d'une valeur masculine mais féminine, une nécessité voulue par les femmes. Ce sont donc bien les femmes qui reproduisent ce modèle et non les hommes.
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Isabelle Alonso - Le 04/07/2020 à 12:16
Finement observé. Enfin la vérité éclate! C'est vrai, ce sont les femmes qui ont le pouvoir, l'argent. Ce sont elles qui contrôlent tout! Comment elles font? En se vendant au plus offrant! Voilà, voilà, voilà... J'ignore ce que vous avez besoin de compenser. Je vous souhaite bonne chance. Ne venez plus ici, votre thérapie personnelle ne m'intéresse en rien.
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vareuse - Le 05/07/2020 à 04:33
Vous inversez les choses. Si les femmes choisissent les hommes les plus dominants (et encore, pas toutes, mais passons), ce n'est pas parce qu'elles tirent les ficelles, mais bien parce qu'elles n'ont pas d'autres options pour survivre. Ce n'est pas "la" femme qui choisit de se vendre. Ce sont les hommes qui ont organisé la dépendance économique des femmes, en tant que classe de sexe, à leur profit. Et ce, directement ou indirectement : certains hommes profitent de ce que d'autres ont organisé pour eux. On ne peut que vous conseiller la lecture d'Andréa Dworkin, de Christine Delphy, ou de Simone de Beauvoir si vous avez l'esprit suffisamment accroché. Ou si vous préférez écouter, aller écouter cet audio, qui analyse les transferts de richesse au sein des familles, réalisés à l'aide de sociologues, d'enquêtes, d'études de niveau universitaire. https://www.binge.audio/le-patrimoine-enjeu-capital/
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Isabelle Alonso - Le 05/07/2020 à 13:37
Merci pour votre intervention! Mais je crains que Encorelui ne donne pas précisément dans la sincérité... Rien ne le convaincra!
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Encorelui - Le 02/07/2020 à 11:11
Pour revenir sur Victor Hugo= "la prostitution c'est mal", je vous invite à lire l'ouvrage de Paola Tabet ("L'échange économico-sexuel") qui vous permettra de voir que (selon elle) toutes les relations hétérosexuelles sont un échange économico-sexuel qui s'inscrit dans un continuum commençant par la prostitution et se terminant par le mariage. Oui, toutes les femmes vendent à leur compagnon quelque chose: le prestige de leur beauté, leur tendresse (et actes sexuels), leur fécondité, la dot quelques fois, etc. Et leurs compagnons sont choisis parmi ceux qui sont les plus dominants, les plus aisés financièrement, ceux avec un statut social élevé (prenez Dominique Strauss Kahn qui s'est marié pour la 3è fois malgré ses affaires), et les plus forts physiquement. Et ce n'est pas seulement dans les sociétés occidentales que l'on pourrait dire corrompues. Non, partout même en Amazonie.
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Isabelle Alonso - Le 02/07/2020 à 12:31
Vous venez de découvrir le patriarcat. Universel, ancré et féroce. C'est un bon début.
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malavita - Le 21/06/2020 à 15:07
Simone de Beauvoir, pro pédophile L’icône absolue du féminisme, on ne déboulonne pas non plus je suppose ? En 1977, une pétition publiée dans Le Monde appelant à libérer trois hommes ayant eu des relations sexuelles avec des mineurs de moins de 15 ans, garçons et filles. En plus, ces trois hommes se sont amusés à photographier leurs 'jeux sexuels'. Tout cela n'était pas bien grave, selon les signataires qui étaient des politiciens , des médecins, des psychiatres et psychologues, des intellectuels (J-P Sartre, Simone De Beauvoir). Ces signataires défendaient alors un discours similaire à celui tenu aujourd'hui par des associations pro-pédophilie (NAMBLA aux USA, Paidika aux Pays Bas, plaidant pour la décriminalisation de la pédophilie. https://www.franceculture.fr/societe/quand-des-intellectuels-francais-defendaient-la-pedophilie Simone de Beauvoir, et 69 intellectuels français ont signé une tribune publiée le 26 janvier 1977, d'abord dans Le Monde puis dans Libération pour défendre trois hommes incarcérés depuis plus de trois ans pour avoir abusé sexuellement de mineurs de moins de 15 ans. Ils demandaient la relaxe des trois hommes au prétexte que les enfants n'avaient pas été victimes de la moindre violence, mais, au contraire, qu'ils étaient consentants. https://www.lemonde.fr/archives/article/1977/01/26/a-propos-d-un-proces_2854399_1819218.html Simone de Beauvoir puisait dans ses classes de jeunes filles une chair fraîche à laquelle elle goûtait avant de la refiler, ou faut-il le dire plus grossièrement, de la rabattre sur Sartre. Leur perversité était soigneusement cachée sous les dehors bonasses de Sartre et les apparences de sérieux et d’austérité du Castor. En fait, ils rejouaient avec vulgarité le modèle littéraire des Liaisons dangereuses".1 Simone de Beauvoir fut exclue de l’Éducation nationale en 1943 après une plainte pour détournement de mineure portée par la mère de l’une de ses victimes, qui estimait aussi que Beauvoir servait de rabatteuse pour Sartre https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/simone-de-beauvoir-figure-de-l-213486 A 16 ans, Bianca devient l'amante de Beauvoir puis celle de Sartre, en concluant ainsi ses Mémoires: « Sartre et Simone de Beauvoir ne m’ont fait finalement que du mal. https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/jean-paul_sartre_simone_de_beauvoir_bianca_leur_jouet_sexuel_346146 Victor Hugo = Homme, donc Masculinité toxique Simone de Beauvoir = Femme féministe donc totem d’immunité !
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Isabelle Alonso - Le 23/06/2020 à 12:45
Pourquoi ce ton comminatoire? Je dis bien qu'on peut à la fois reconnaitre du génie à Hugo et ne pas oublier qu'il fréquentait de nombreuses prostituées de tous âges. De même Beauvoir est une femme de son époque qui a eu des comportements qui seraient impossibles aujourd'hui et ça n'enlève rien à son talent. Totem d'immunité? C'est mal connaître le sujet. Assumez votre hostilité, cessez d'accuser les féministes de tout et de rien.
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malavita - Le 19/06/2020 à 13:10
Un petit mot sur TOUSSAINT L'OUVERTURE, le Napoléon noir qui lorsqu’il fut affranchi, à l’âge de 33 ans, devint aussitôt fermier et, pour cultiver ses caféiers, employa une douzaine… d’esclaves. https://www.sudouest.fr/2012/10/21/de-l-esclavage-au-pouvoir-absolu-856238-4720.php Un déboulonnage de statue s'impose, non ?
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Isabelle Alonso - Le 20/06/2020 à 14:55
Non. Rien ne saurait effacer la contribution de Toussaint Louverture aux luttes contre l'esclavage. J'avoue par ailleurs ne pas saisir l'intérêt du dédouanement des culpabilités occidentales par la mention d'autres éventuelles atrocités commises ailleurs par d'autres. Vous vous en sentez mieux? Pas moi.
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